Jason X
Un métrage, une image : La mort sera si douce (1990)
Thompson au ciné, ancienne histoire,
on le sait, depuis les scripts coécrits
de L'Ultime
Razzia
(1956)/Les Sentiers de la gloire (1957), d’après deux romans précédents,
point les siens, jusqu’aux incontournables Guet-apens (Peckinpah, 1972), Série
noire
(Corneau + Perec, 1979), Coup de torchon (Tavernier, 1981), modèles de fidélité infidèle, voire l’inverse, en
passant par les plus davantage dispensables Guet-apens (Donaldson,
1994), Liens secrets (Oblowitz, 1997), The Killer Inside Me (Winterbottom,
2010), n’omettons de mentionner une curiosité intitulée Hit Me (Shainberg, 1996),
avec Elias Koteas & Laure Marsac. En 1990 sortit aussi le remarquable et
remarqué Les Arnaqueurs de Frears, scénarisé selon le spécialiste
Westlake, produit aux bons soins d’un certain Scorsese, au terme duquel le trop
sentimental et un peu incestueux Cusack succombait à son implacable maman, donc
Anjelica Huston, déguisée en Médée modernisée, en robe immaculée. Paru en 1955, quasi contemporain du diptyque de
Kubrick, d’une résidence définitive en Californie, After Dark, My Sweet
devient une adaptation disons de saison, sinon de discrétion, distribuée aux
USA quatre mois avant le succès de la précitée, baptisée en français La
mort sera si douce, comme un clin d’œil à La mort viendra, petite
de la traduction romanesque, publiée en 1985. Décédé en 1977, Big Jim, ainsi le
surnomma l’admiratif Stephen King, pas encore courroucé à cause des diktats du
dégraisseur de Twitter, exécuta en outre un caméo en magistrat, à défaut d’être
magistral, via Adieu ma jolie (Winner, 1975), énième relecture de Chandler,
anachronique et anecdotique, au sein du sillage du néo-noir de Chinatown
(Polanski, 1974). Déjà responsable de l’esthétique Comme un chien enragé
(1986), ensuite coupable du statique Glengarry (1992), Mamet mutatis
mutandis, Foley enfin s’émancipe de
Madonna, recrute un corédacteur/coproducteur, bénéficie de la photographie du directeur
Plummer (Albino Alligator, Spacey, 1996), des synthés éthérés de Maurice Jarre, surtout d’un Jason Patric (Génération perdue,
Schumacher, 1987 ou La Bête de guerre, Reynolds, 1988)
poignant et perturbant, dans l’incarnation d’une carrière, certes bien escorté,
pas si exploité, par le couple d’entourloupe Dern (Silent Running,
Trumbull, 1972) & Ward (L’Anti-gang, Reynolds, 1981). Aujourd’hui disponible en ligne, en VOST et 1080p, a priori expurgé d’une
poignée de scènes sexuelles, After Dark, My Sweet séduit tel
quel, film noir tourné en plein soleil, en écho à Clément, homoérotisme idem en sourdine. Poétique et
programmatique, le titre implique la nuit enfuie, la douceur du (bref) bonheur.
Précis, posé, inspiré, le cinéaste assure le retour du jour, de l’amour,
toutefois au prix du final sacrifice, fi du sordide infanticide. Les perdants
fraternels et (parfois) terrifiants de l’auteur majeur, à la lucidité
alcoolisée, à la radicalité désenchantée, errent de leur mieux au milieu d’un
désert doux-amer, saisi en widescreen, qui rédime plus qu’il ne déprime. Adieu
au vaudeville rassis de l’imagerie, voici un échappé d’HP, des dattiers
abandonnés, un médecin pédé, un diabétique kidnappé. D’un boxeur dessoudé à un
gosse sauvé, de la voix off réflexive
de Boulevard
du crépuscule (Wilder, 1950) à l’iris immobile de Psychose (Hitchcock,
1960), le film méconnu de Foley mérite d’être reconnu, en raison de son obscure
clarté, élégance déglinguée, suave intensité.
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