Cent ans de solitude

 

Armoire normande de kafkaïenne brocante ? Renommée d’emmuré…

Policier porté sur la poésie de Ponge, c’est-à-dire drolatique et non lyrique, objective et non subjective, l’auteur jamais moqueur, mais in extremis satiriste, décrit en définitive une odyssée déceptive : ici ne sévit le souffle fantastique et métaphysique, forcément glacé, de l’aventure impure, cf, le presque indépassable et assurément puissant roman, unique à double titre, de Poe, Les Aventures d’Arthur Gordon Pym. Pas davantage robinsonnade, en dépit de la présence réconfortante, amusée, amusante, d’un Inuit guère excentrique, plutôt excentré, sauveur cuisinier, familier du « beautiful day », La Fonte des glaces ressemble un brin à un The Thing (Carpenter, 1982) tragi-comique, à moitié toulonnais, dont l’anti-héros moins parano, quoique, finit toutefois lui aussi refroidi, au propre et au figuré. S’il (r)échappe au froid une première fois, aussitôt décidé à s’aérer, après avoir ingéré des biscuits rassis quasi au LSD, sortie de l’abri irrationnelle due à l’action, surtout à la colorée confusion, de l’ergot de seigle, cadeau empoisonné d’un communisme désormais démantelé, à l’arsenal ensuite marchandisé, Louis choisit de se suicider, au creux de l’écrin immaculé, malsain, du grenier aménagé, à la température (ra)baissée, parmi sa « Dream Team » magnanime, douzaine balèze, escorte empaillée, de manchots empereurs, par conséquent privés ainsi de désir et de peur. L’opus précis et applaudi, pudique et ludique, carbure en résumé à la symétrie, l’épiphanie, la folie, l’active mélancolie, celles d’un charcutier retraité, endeuillé, désœuvré, devenu à l’insu de son plein gré une icône laïque, représentative et hyperbolique, de l’écologie d’aujourd’hui, comprendre capitaliste, médiatique et en ligne. Le pôle Nord s’oppose à celui du Sud, l’Arctique à l’Antarctique ; La Fonte des glaces passe fissa du Var au Canada, substitue Alice à Lise, la journaliste à l’épouse, remplace la vieillesse solaire et solitaire, anonyme et nostalgique, ordonnée, dépressive, par le tandem puis l’équipe, le projet insensé, dédoublé, abouti, acclamé, la gloriole de traviole d’une consécration à la con. Fils à demi orphelin d’une Afrique mythique, pachydermique, adulte démuni de tumulte, sinon ceux d’avoir perdu les deux femmes de sa vie, sa souvenante mère, sa souriante caissière, idem décimées par la même maladie de cellules cinglées, démultipliées, le baroudeur amateur expérimente le réel, séduit une congénère du fier cheptel, se voit soupçonné de zoophile perversité, Poe opine, à cause d’une médiathécaire vénère, dont la fifille infiltrée poursuivra la surveillance orientée. Baqué bâtit autour du vide d’origine, absence de lignée, voire de pedigree, une fable affable, au bestiaire sur terre et polaire, aux chalutiers recyclés en remorqueurs d’icebergs éphémères, soumis au déterminisme de leur effacement sudiste. Il souligne ceci, au risque de le surligner, éclaire les ravissements et les misères d’une calme lumière, aux dépens de la complexité, de l’obscurité. Demeure le mystère du cheminement (du chemin de Damas) de ce « loser ordinaire », d’abord à « pavillon minable et quartier maussade », ensuite à destin extraordinaire, à la banquise à domicile, à l’image du voyage, « ridicule, grotesque (Poe again), inattendu, impressionnant », dixit le cousin diététique, affairiste, à violettes ukrainiennes et eau supposée préhistorique, à récolter du fric. Pym se suspendait à l’indicible, vertige figuratif du texte vierge, Michel Berger lui aspirait au « paradis blanc, comme avant ». Entre ébats et abats, clim et climat, liesse et tristesse, Louis s’investit, se soucie, se « raidit », comédien et martyr, Sartre suppose pire, à moitié autiste Tartarin de Tarascon, à gros et fragiles glaçons.         

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