Fanny

 

Madame rêve, agit aussi, vit sa vie, ses envies, me ravit…

Dans le jamais embrasé, « tant pis », Couleurs de l’incendie (Cornillac, 2022), Fanny Ardant, discrètement, brillamment, au creux d’un nocturne compartiment, meurt du cœur, dernière lumière, vitre humide : soudain surgit, au milieu de ma mémoire cinéphile, le souvenir de la Max(ine) de Mission impossible (De Palma, 1996), c’est-à-dire de la superbe et vilaine Vanessa Redgrave, déguisée en stratège de TGV. Auparavant, Ardant donne de la voix, doublée par la spécialiste Sandrine Piau, au château, en appartement, à l’opéra, on n’oublie pas qu’elle incarna, autrefois, une certaine Maria Callas, en master class, Polanski opine, ou dans l’impasse, Zeffirelli confirme (Callas Forever, 2001), qu’elle narra un documentaire dédié à la cantatrice, proche de Pasolini & Onassis (Maria by Callas, Volf, 2017). Adolf s’affole, le chœur a cappella, au piano recta, des « esclaves juifs » du Nabucco de Verdi, fi des wagnériennes walkyries, le führer fissa défrise, pardi, alors la voilà parmi l’Allemagne, pas si mélomane, de ce temps-là, persona non grata, qui ne reverra Paris, le « petit Paul », fanatique en fauteuil, lucide citoyen, ulcéré par le projet d’un récital à Berlin, puisque pseudo-égérie des nazis, ni sa mère, l’aimable mais impitoyable Madeleine, point proustienne, de Léa Drucker. Elle-même parente d’un directeur de banque, très occupé pendant l’Occupation, ce personnage, plein de calme et musical courage, Solange, ange (gardien) de résistance, majuscule possible, dut lui parler, comme on dit aujourd’hui. Fanny Ardant n’attendit ceci, pourtant, utilise, sur disque, son vocal instrument, depuis plus de trente ans ; en tandem avec Bruel, à l’occasion des compilations d’Ozon (Huit femmes, 2002) & Sanson, sa parfaite contemporaine, surtout et illico en livre audio, plusieurs lectures de Duras ainsi incluses, en solo ou en duo, en compagnie de l’amical Depardieu, entre Balzac, (Charlotte) Brontë, Onfray, il fallait oser. La comédienne sur scène, again Marguerite, en sus classique, signe deux mises en scène, Sondheim & Chostakovitch, chiche, la muse truffaldienne inspire Vincent Delerm, habite deux clips, de Bashung & Mika, oui-da. D’une enfance monégasque au béguin des Brigades rouges et des FARC, d’études politiques sudistes aux propos pro-Russes, de la passion des planches à de Polanski (bis) la défense, la certes « honnête » Ardant fait preuve d’indépendance, à défaut de repentance, capable de s’excuser, d’embrasser au ciné, en plongée, la moins modeste, encore cassante, Catherine Deneuve, idem fana de François (& Roman). Trois fois césarisée, l’actrice aristocratique, au timbre intense et singulier, sut se familiariser, se diversifier, se réinventer, sans cesser de conserver une identité reconnaissable et réclamée, remarquable et remarquée. Depuis la fin des années soixante-dix, Fanny Ardant traverse les écrans, le petit, le grand, y brûle ardemment ou doucement, de sa flamme de femme fréquentable, a priori, en France et en Italie, en mode comédie ou tragédie, passée, de surcroît, quatre fois de l’autre côté de la caméra. À la TV, Fanny figura l’homonyme de Nina Companeez, la chère Madeline Usher de Poe, la cara Ewelina Hańska du dayanisé Honoré. En salles, outre Truffaut au carré (La Femme d’à côté, 1981, Vivement dimanche !, 1983) + l’Ozon précité, on la croisa, selon les saisons, chez Schlöndorff (Un amour de Swann, 1983), Deville (Le Paltoquet, 1986), Resnais (Mélo, 1986), Angelo (Le Colonel Chabert, 1993), Antonioni (Par-delà les nuages, 1995), Leconte (Ridicule, 1996), Fontaine (Augustin, roi du kung-fu, 1999) ou Sorrentino (Il divo, 2007), liste subjective, non exhaustive, loin s’en faut. La courtoisie interdit de dévoiler l’âge d’une dame ? Née en 1949, année partagée avec Sabine Azéma, Paola Senatore, Caroline Silhol ou Sigourney Weaver, ses estimables consœurs, Ardant demeure un être neuf, à la jeunesse espiègle, étrange mélange de romantisme et de pragmatisme, interprète experte, vaccinée contre le politiquement correct, le moralisme d’opérette. Moins austère qu’Isabelle Huppert, autant intelligente, dotée d’une brune beauté, d’une belle lucidité, l’admiratrice de Bette Davis & Anna Magnani continue à contourner la mélancolie, celle du monde disparu, de la modernité malvenue, drolatique « désinvolte », mot qu’elle adopte, plutôt que modèle camelote. Le décès surcadré de l’héroïne mise en sourdine alors ressemble à sa renaissance.    

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