Sitcom
Un métrage, une image : Prête-moi ton mari (1964)
À visionner cet ancien succès,
désormais bel et bien oublié, on comprit le dépit de Romy. On le savait, on
s’en doutait, la chère et revêche Schneider ne s’acclimata à l’America, fissa cassa son contrat avec la
Columbia. L’une des lignes narratives nous sert cependant le contraire,
histoire sans hasard d’un corps encore en partie étranger in extremis réinséré au sein d’une si WASP microsociété, lestée
d’un seul homme et magistrat dit de couleur, quel malheur. Coécrit par un tandem issu de la télé, adapté d’un
bouquin de Jack Finney, romancier déjà transposé huit ans avant, via le fameux et moins joyeux L’Invasion
des profanateurs de sépultures (Siegel, 1956), appréciez au passage les
patronymes des propriétaires, Burke & Hare, clin d’œil adressé à un célèbre
duo de britanniques body snatchers, donc private joke de l’auteur
de The
Body Snatchers, (in)animé par un jadis animateur chez Disney,
accessoirement acteur policier (La Panthère noire, Merrick, 1977),
qui le coproduit aussi, Good Neighbor Sam, titre explicite
et ironique, pouvait développer une satire de la publicité, oui ou non lactée,
de sa vacuité, de son opportunisme, de son cynisme, mettre en cause le
sacro-saint modèle du mariage familial américain, sa banlieue, ses bienheureux,
sa progéniture au camping, son
incompréhensible spleen, face défaite
de ménagère qui durant une seconde de dessillement existentiel et solaire soudain
sidère, souligner l’innocente « avidité » de tous ces gens bien-portants,
bien-pensants, bien-baisant, outrage d’héritage, matérialité de « normalité ».
Hélas, l’insipide Swift, fi de Jonathan, cède tout ceci à Hitch (La
Mort aux trousses, 1959), Sirk (Tout ce que le ciel permet, 1955),
von Stroheim (Les Rapaces, 1924), tandis que ce San Francisco ne saurait
ressembler à celui de Bullitt (Yates, 1968) ni Vertigo
(Hitchcock, 1958). Pourtant éclairé par l’oscarisé en doublé DP Burnett Guffey
(Tant
qu’il y aura des hommes, Zinnemann, 1953, Bonnie et Clyde (Penn,
1967), Prête-moi ton mari comporte une poignée de plans parmi les plus
mal mis en lumière de l’hollywoodienne décennie, sent le studio illico, la comédie de situation à la
con, le domestique canapé sur lequel à moitié la mater, lui-même mis en reflet par
le petit écran carré, Truman Show (Weir, 1998) subito. L’item artificiel décrit sans la critiquer une civilisation du
plastique, du prosaïque, de panneaux repeints, de destins mesquins. Romy se
renomme Lagerlof, la Selma de Nils s’en fiche ; la blonde du bonhomme
Lemmon, acteur à contrecœur, rendez-moi Wilder, il me rend meilleur, que
surprit le succès, se prénomme Minnie, Mickey sourit ; Michael Connors
n’use d’un diminutif, ne prophétise Mannix ; Edward G. Robinson cite Isaïe, eh oui, et la Joyce
Jameson éphémère, suicidaire, de La Garçonnière (Wilder,
1960), interprète une prostituée peinturlurée appelée of course Elsie Hooker, lady in red de Bradbury Building,
immeuble de L.A. revisité selon Losey (M, 1951). Prête-moi ton mari paraît se moquer
du conformisme, des « moutons » en réunion, motorisée métaphore,
Eisenstein peut-être d’accord, alors qu’il en constitue l’éloge conservateur,
en public et en privé, promotion inespérée + vrai-faux divorce in fine évacué, quitte à recollés se
recogner, masculin coup de pied au féminin cul en pleine rue. N’omettons pas de
mentionner un running gag rassis de
mise en boîte musicale loupée de bagnole à louer, idem
devant une rance transparence, métonymie du métrage, de parler d’un privé porté
sur l’aspirateur inquisiteur, voire voyeur. L’ensemble factice s’éternise durant deux
heures dix, scandé de l’air mariole de DeVol. L’on en rigole ou l’on
s’en désole, le quadrille à l’écart de Guitry ne décolle, ne caracole, se
réduit au divertissement d’un autre temps, aux « sculptures composées »
plus colorées que celles de Calder, lunettes expertes à la Carpenter (Invasion
Los Angeles, 1988), à l’ivresse express,
au velcro aux fourneaux, au rêve désirant et hurlant, culpabilité contrariée, à
la jalousie mimi et riquiqui, aux « canards » pas cornards. Sam Bissel conclut du laconique : « La vie reprend son cours normal », mais la voici
en définitive absente d’un film infime, pas même rédimé par le charme des
intéressés…
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