Chasseur blanc, cœur noir
Un métrage, une image : Bacurau (2019)
Comédie macabre scandée de cercueils,
salut subito à Django (Corbucci, 1966), Bacurau
ne vole haut, en dépit de son titre métaphorique et programmatique de local et
nocturne volatile. Quant aux clins d’œil adressés à Carpenter, Terre stellaire,
morceau en stéréo, nom de l’école, ils ne font jamais sens en soi, loin de là.
Pas davantage élève d’Anthony Mann, Mendonça Filho ne dispose hélas ni du sens
de l’espace ni de celui de la menace de ses célèbres prédécesseurs. Il ne
suffit en résumé d’un objectif anamorphique afin de faire (l’) américain,
d’utiliser des volets pour ressusciter le ciné des seventies, d’adopter une dioptrie pour adouber le split screen optique typique d’un De Palma, oui-da. Tourné in situ
sans steadicam mais avec un budget à moitié français, créateur de « huit
cents emplois », tant tu m’en diras, car la culture comme « identité
et industrie », eh oui, dixit le
générique ; coproduit par le redoutable Saïd Ben Saïd, collectionneur d’échecs de réalisateurs
renommés, citons donc Inju : la Bête dans l’ombre
(Schroeder, 2008), Carnage (Polanski, 2011), Passion (De Palma, 2012), Maps to the Stars (Cronenberg, 2014), voire le surfait Elle (2016) de Verhoeven ;
récompensé à Cannes, acclamé par la critique, classée capitaliste ou gauchiste,
vade retro, salaud de Bolsonaro, un certain Barack Obama, oh là là, Bacurau
se réduit vite à un survival
anecdotique, bon teint et manichéen. Escorté d’un chef décorateur promu codirector, le cinéphile infantile
s’essaie ainsi à la rurale et nordiste dystopie, à la fable où ça canarde et
massacre, copule un peu. Que certains puissent percevoir ce divertissement
languissant, dilué durant deux heures, Seigneur, en opus politique, prophétique, au souci sociologique, à la pertinence
de résilience, sinon de résistance, nécessite d’aller rendre visite à un
oculiste ou d’apprendre à se servir d’un lexique. Artificiel et superficiel, Bacurau
souffre en effet, en définitive, du fameux effet boomerang, malédiction de moralisme. L’impeccable Udo Kier peut
s’épuiser à éduquer un meurtrier peu fanatique de l’infanticide, c’est-à-dire dissiper les « clichés », dissocier les Allemands des nazis, pardi, plus tard,
appréciez la bande-son, il rencontrera l’incontournable Sonia Braga, déguisée
en médecin lesbien, parce qu’elle le vaut bien, sur le True des idoines dénommés
Spandau Ballet, chouette, le film commet ce qu’il condamne, se limite à opposer
deux camps, les gentils indigènes contre les méchants étrangers blancs, le Nord versus le Sud, le trafic aquatique contre le sadisme du fric. Finalement, le fascisme fréquentable et camé se trouve
du côté de la communauté, de ses têtes coupées à la Conrad & Coppola (Apocalypse
Now,
1979), sniper de malheur, lucide et
ironique, « so much violence », indeed,
enterré vif et captif, à la Poe illico.
Racialiste à l’instar des antiracistes, démagogique dans l’esquisse drolatique
d’un avorton en pleine élection, âne au carré, en sus prédateur de prostituée, Bacurau (se) rate (sur) tous les tableaux, aussi fonctionnel que n’importe quel produit
hollywoodien crétin, en collants ou point, aussi sommaire que tout bréviaire
scolaire, pas une seule seconde révolutionnaire, en matière d’éthique ou
d’esthétique. Alors que revoilà Lula, promesses de « paix, liberté, unité »,
y croire à nouveau on voudrait, conseillons en conclusion les plus aboutis, réussis,
Garcia
(1974) de Peckinpah, Révoltés (1982) d’Australie...
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