Cavale vitale : Un croquis de Cathy
Rebelle ? Rouvel. Fille facile ? Interprète intrépide. Star sudiste ? Soleil à domicile…
Actrice et comédienne, on s’en fiche,
on discerne, Catherine Rouvel toujours alterne le ciné, la scène. Elle naît à
Marseille, moi-même idem, elle ne
représente pourtant, via la vie, en
l’écran, l’on ne sait quelle Provençale provinciale dépeinte depuis la pseudo-capitale,
pas davantage, case d’occase, une égérie régionale. S’il convient de la
caractériser, de lui procurer un pedigree,
adoptons la tactique de l’onomastique, disons donc qu’elle porte un nom de
naissance ad hoc, puisque la belle s’appelle en vérité Vitale, patronyme de
mouvement, de tempérament, de non-renoncement. La vitalité de l’intéressante
intéressée s’incarne d’abord au creux de son corps, outil à la fois intime et
expressif de sa profession d’éphémère ou filmée s(t)imulation. Les courbes
d’une juvénile Catherine, vingt printemps d’antan, de tout le temps, convient
Renoir à l’inviter au Déjeuner sur l’herbe (1959), chavirent
de Chabrol le Landru (1963), donnent à Duvivier la Chair de poule (1963), produisent
Les Pas perdus (1964) de Jacques Robin ou provoquent La Rupture (1970) de revoilà
« Chacha », après sa participation de saison, comme il faut, à Benjamin
ou
les
Mémoires
d’un puceau (Deville, 1968). Deux fois Lola, pas à demi, à la Demy (Lola,
1961), chez Deray (Borsalino, 1970 + Borsalino and Co., 1974), mais
seulement la Mia du Solitaire (Deray, 1986), de surcroît Danielle de Marcel (Carné,
Les
Assassins de l’ordre, 1971), Angélina de Compana (Les Grands Moyens,
Hubert Cornfield, 1976), Marine d’Annaud (La Victoire en
chantant,
itou), Monique d’Arnaud (Desplechin, Rois et Reine, 2004), Mademoiselle
Rouvel traverse aussi, par ordre chronologique, les filmographies de Philippe
Agostini, Yves Robert, William Klein, Michel Mitrani, Jean-Claude Brialy,
Robert Parrish, Jean Yanne, David Hamilton, Jeanne Labrune, Jean Becker,
Jacques Rivette, parcours pluriel, souvent sensuel, que peuvent lui envier des
consœurs moins discrètes, peut-être plus expertes.
À la TV, helvétique, anglaise,
française, on la voit au côté des rois maudits, d’Arsène Lupin, du commissaire
Maigret, de l’inspecteur Lavardin (Chabrol revient), du capitaine Marleau. Sur
les planches, rien de rance, car la voici au service d’Audiberti & Dostoïevski,
Achard & Feydeau, Tolstoï & Shaw, Anouilh & Giraudoux, Pagnol &
Guitry, pardi. Enfant du conflit, danseuse débutante, d’institut cinématographique local
étudiante, fondatrice de troupe, amoureuse de Molière, elle manie la hache qui
tache, quasi héroïne de slasher en robe légère (Le
Secret des Andrônes, merci d’hier à Jacqueline Waechter), elle forme
des tandems avec Danielle (Darrieux) & Françoise Arnoul, les années
s’écoulent, on s’en fout, elle répond, dit-on, à une sollicitation de
Jacqueline Pagnol, féminines notes, elles rigolent, trente-cinq ans auparavant,
elle subit la jalousie, la folie de Woyzeck, chouette. Désormais octogénaire,
retirée des affaires, Catherine Rouvel continue à nous éclairer de sa solide sensibilité,
sa douceur dépourvue de peur, parfois, par endroits, sa noirceur, en majorité
sa sincère lumière de chair, d’esprit pas appauvri, de sexualité assumée,
jamais commercialisée. Au-delà du talent évident, l’aura de la cara réside aussi en ceci, cette diversité,
cette lucidité/ludicité, cette façon de sourire, de se tenir, de séduire ou de
nuire, de sévir ou de ravir. Sur le plateau de Borsalino, à gauche de la
photo, à proximité d’un Delon au visage verrouillé, d’un Belmondo muet, à quoi
pense-t-elle, coiffée à la Louise Brooks, ici, sexy, ailleurs, en notre cœur ? À tout sans doute, sauf à ces
lignes laudatives, antidote d’une époque, revisitée à l’instant,
maintenant, au milieu d’un moment démotivant, contaminant, contre
lequel sa dimension modeste, sa puissance d’immanence, ses rôles graves et drôles
persistent à s’affirmer en feux familiers, tendres brasiers, raisons
raisonnables, non aux oraisons, de ne pas désespérer, de croire au ciné, à la
société, aux femmes à fréquenter, aux hommes à aimer, voire l’inverse.
Très bel hommage si juste et touchant, vibrant même... à Catherine Rouvel, actrice et comédienne unique en son genre, un croquis pris sur le vif et si vivant, un texte éclairant pour le cinéphile même éclairé, et qui me va à ravir (Un grand merci pour ce magnifique texte et pour la dédicace...)
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