Gutland : Le Retour de Martin Guerre
Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de
Govinda Van Maele.
Dans La Mort aux trousses
(Hitchcock, 1959), autre item à maïs,
à menace mécanique, le very vide
Roger O. Thornhill, appréciez le gros zéro, la pique à Selznick, se démenait
avec un malentendu, en définitive pas si malvenu, se dispensait d’une
psychanalyse, se surpassait en espion sentimental. Dans Gutland (2018), un
braqueur christique, de casino à Cologne, va vite « se mettre au vert »,
sans trop d’effort s’insère, au sein de la provinciale et rurale communauté, de
l’orchestre assermenté, jusqu’à liquider, à main armée, son pénible passé, à
savoir ses deux acolytes, dépourvus de tactique, frénétiques du fric, chasseurs
fissa chassés, balancés parmi la fosse à purin, parce qu’ils le valaient bien.
Auparavant, moment déterminant, Jens avise son visage à l’endroit supra, cadavre souillé aux yeux pas
fermés, subit un bestial somnifère, s’éveille en moins chevelu, rasé de près,
lévite quasi à la Tarkovski, se
réinvente et sa vie aussi. « À l’insu de son plein gré » soumis à une
soudaine amnésie, incapable de localiser le magot inhumé en forêt, il connaîtra
une acmé musicale, conformiste, en forme, en uniforme, applaudi, adopté, sous
le regard radieux de sa bien-aimée, CQFD. D’un trompettiste au suivant, d’une
virtuosité à la seconde, le récit, un brin lynchien, presque dickesque, ainsi
se renverse, en sus sorte d’ersatz de Volte-face (Woo, 1997). Ce premier
essai assez réussi, toutefois filmé de façon fonctionnelle, pourtant guère écrit
« à la truelle », mérite sa découverte à domicile, à homicide(s), conte
identitaire doux-amer, à base d’ego, d’égout,
d’incestueuse société, de sacrificiels secrets, opus à propos du prix à payer, personnalisé, de dépersonnalité,
pour appartenir, ne plus s’appartenir, s’investir, fini de fuir. Que la scène
sexuelle SM, comprenant un étranglement, une levrette ou une sodomie à sec,
effarouche les féministes, on s’en fiche, puisque la lucide Lucy, depuis le
début, dirige à sa guise le providentiel étranger, à la fois piégé, émancipé,
dompté, idéalisé.
Ici, « trou paumé » de simulée
Germanie, on baise, on se fait baiser, au propre, au figuré, on trouve du
travail et on panique Interpol, merci au maire paternel, paternaliste, omniscient,
omnipotent, maître à la baguette, du destin in
extremis serein. En bonne logique symbolique, l’évanouissement du
prédécesseur « provocateur », le dessillement du successeur en
apesanteur, se manifestent via une
mise en abyme photographique : les faces floues enfin s’identifient,
impliquent, peut-être, que l’auteur des tirages, coq de village, de voisinage,
mit les modèles au milieu de son lit, ensuite occis par les maris en catimini,
eh oui. Une semblable hypothèse balèze surgit à l’esprit, surtout celui épris
de « fugue psychogénique » à la Lost Highway (Lynch, 1997),
allez. Et si Georges, exilé déterminé, détesté, renaissait au loin en Jens,
parvenait à évacuer son corps, son décor, avant de revenir, individu aux prises
avec une collectivité, tels selon certains westerns,
d’être reconduit à ses jours, à ses nuits, à ses amours, à ses ennemis, à sa
maison à l’abandon, déménagée, dépoussiérée, foyer parfait, insoupçonnable,
insoupçonné, de partenaire rangée, de tendre mère célibataire, à enfant pas
vraiment délinquant, quoique, gare aux pétards, au métallique et inique suspensoir,
à petit-déjeuner de claire matinée, après un soir de désir du pire, de violence
à contre-sens, essence des sens, demandée, assumée ? Politique et
philosophique, drolatique et fatidique, en partie autobiographique, cf. le
dossier de presse, éclairé par le frère du cinéaste/scénariste, ponctué de
plans aux paysages trop sages, Gutland interroge nos poses, nos
métamorphoses, sonde les apparences, les souffrances. À l’heure de malheur des « migrants »
médiatiques, du « complotisme » contaminé, du tribalisme en réseau,
il s’agit donc d’une ouvrage d’actualité, au casting choral de qualité, mentions spéciales au mélancolique Lau Frederick,
à la lumineuse Vicky Krieps, qui divertit et avertit, inquiète et reflète, en
écho modeste, mesuré, aux éprouvantes traversées, très suspectes, dotées de
codas honnêtes et contrefaites, retracées par A History of Violence
(Cronenberg, 2005) ou Blue Velvet (Lynch, 1986), chouette.
Commentaires
Enregistrer un commentaire