Nightmare Cinema : Midnight Movie
Ticket truqué, séance sans prestance, diagnostic cinéphilique rachitique…
Cette anthologie, pas si jolie,
dommage, débute bien, par un vrai-faux slasher
avec soudeur, segment énergique et drolatique, s’autorisant, à bon escient, à
renverser la perspective du spectateur, assorti, en sus, d’un essaim
d’araignées de SF, très colonisatrices, sinon dissimulatrices. Hélas, ensuite, ça
se gâte, vite. Le récit de chirurgie esthétique, évidemment horrifique, presque
satirique, apparaît, en effet, réchauffé, sa coda déjà devinée, avant même le
commencement. Puis un épisode sarcastique, à base de possession adolescente, de
luxure ecclésiastique, fait sourire autant qu’il lasse, prévisible impasse,
pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font, pauvres adeptes de la
levrette suspecte. Quant à la folie féminine, en noir et blanc very arty,
elle reprend le suicide du précédent, mais s’étire et se noie et ennuie. Enfin,
le petit virtuose, au bord de la métempsycose, indiffère fissa, à moitié dans
l’au-delà, tiraillé entre sa maman morte, son amie idem et, in extremis, coincé par un voleur de
voiture meurtrier, rancunier. Cependant le Projectionniste lui laisse la vie
sauve, l’invite à courir, à fuir son maudit ciné. Tout ceci dure deux heures, Seigneur,
saigneur, outre le problème de la longueur, souffre d’une irrépressible
autarcie, comme si l’imagerie chérie ne supportait plus de sortir de la salle,
comme si l’air, l’ailleurs, lui faisaient définitivement peur, appréciez ou point
l’ironie. Suffit-il d’adresser des clins d’œil, plus ou moins conscients, à
certains items, énumérons Meurtres
à la St-Valentin (George Mihalka, 1981 + Patrick Lussier, 2009), La
Quatrième Dimension (la série originale), Vampires (John Carpenter,
1998), Répulsion (Roman Polanski, 1965), Sixième Sens
(M. Night Shyamalan, 1999), afin de réaliser le sien, de lui donner vie, de
(vous) donner envie ?
Certes non, ni d’utiliser la trame
élimée de la supposée body horror, pléonasme simpliste, en fil
forcément rouge de « film à sketches » confidentiel. En résumé, Nightmare
Cinema (2018) ne fonctionne pas, mécanique méta de téléfilm fadasse, à
tendance solipsiste, de surcroît doté d’un filigrane puritain discutable,
puisque le péché, dixit Mickey
(Rourke, qui co-produit, s’amuse en macabre maître de cérémonie), réunit le
maigre comité, point commun propice à un châtiment pas vraiment charmant,
miré/miroité sur grand écran, à une damnation dépourvue de la moindre émotion.
Servi par un casting surtout issu de
la TV, on s’en doutait, en partie écrit par la spécialiste Sandra Becerril et le fiston de (Richard) Matheson, le métrage, trop sage, rassemble donc, derrière
la caméra, classés par ordre chronologique, Alejandro Brugués, Joe Dante,
Ryūhei Kitamura, David Slade et Mick Garris, c’est-à-dire un aréopage de gens
plutôt sincères, sympathiques, compétents, dont, malheureusement, il convient
de ne plus attendre grand-chose, parfois depuis longtemps. À sa décevante
manière, Nightmare Cinema sent aussi la cendre (l’absence)
que Trapped
Ashes (Sean S. Cunningham, Joe Dante, John Gaeta, Monte Hellman, Ken
Russell, 2006), (re)lisez-moi ou pas, autre omnibus
digne d’un malus. Apparemment, les fans en raffolent, alors admettons que tout
va pour le mieux dans le pire des mondes possibles ; demeure une
mélancolie discrète, symbolique, celle d’un espace déserté, musée inanimé de
moralités moralisatrices, jamais inspirées, adultes, dérangeantes, stimulantes,
à raconter pour rien, pour personne, à peine pour frémir, se divertir, enrichir
sa collection de pellicules à la con, à ton nom, geste ultime de l’ersatz de
Charon en cuir, malicieux et magnanime, un peu.
Le cinéma dit d’horreur, en majorité, dorénavant, un
navrant mort-vivant ? Peut-être, rien de grave, en vérité, par rapport aux
horreurs de la réalité, au poétique politique, itou atteint par la généralisée
relativité. Plus inquiétant, la crise (s’enlise) traversée renvoie vers la
grande maladie du cinéma classé mainstream,
cimetière cynique, anémique, placebo désigné
ainsi par abus de langage, par enfantillage, par hommage. Que les films nous
fassent cauchemarder, nous offrent la laideur et la beauté, nous redonnent le
désir de (sur)vivre, d’apprivoiser la mort, d’approcher différemment notre
corps, je le demande le premier, depuis des années, toutefois je ne compte pas
sur Nightmare
Cinema,
ni sur les immondices du mercredi, pour (ré)enchanter ma vie (de cinéphile, de
citoyen), tant pis pour Jacques Demy. Et toi, que je ne connais pas, qui te contrefous de tout cela, à quoi rêves-tu, dis-moi ?
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