Le vampire a soif : Derrière la porte verte


Suite à son visionnage sur le site d’ARTE, retour sur le titre de Vernon Sewell.


Ce farceur de Freud se délectait du supposé « continent noir » de la sexualité féminine, amen, aussi Le vampire a soif (Vernon Sullivan, pardon, Sewell, 1968) commence justement en Afrique coloniale, remarquez le contraste immédiat, explicite, entre l’homme blanc, en mince costume homonyme, et ses costauds rameurs torse nu, à la peau sombre. Un remake, muni d’insectes, de Tintin au Congo, so ? Plutôt l’impeccable Peter Cushing au pays des papillons, puisque un certain Mallinger, entomologiste malin, malsain, en sus Autrichien, nom d’un chien, ne trouve rien de mieux à créer qu’un compagnon, de sang assoiffé, ranimé à l’électricité, ah ouais, pour sa fifille, elle-même hybride, bigre. On le voit, Le vampire a soif, titre français trivial, contre l’hyperbole allitératif de l’original : The Blood Beast Terror, s’amuse avec la mauvaise conscience insulaire, sonde sans grande finesse, en vitesse, le désir du dit « deuxième sexe », ses conséquences forcément funestes, en tout cas pour les mecs, merde. Dans cette guéguerre des espèces, la peu claire Clare, incarnée par l’accorte Wanda Ventham, également maman du holmesque Benedict Cumberbatch, s’apprécie en prédatrice, au décolleté presque pudique, en mante religieuse malicieuse et croqueuse, de naturaliste bronzé, de jardinier esseulé, de collectionneur simplet, en étrange étrangère, nostalgique de terres solaires, exilée  parmi le gris et la pluie. Le métrage pourrait irriter par sa moralité misogyne, son sous-texte irrationnel, méfie-toi des femelles, mon ami, ou tu t’y brûleras les ailes, au propre, au figuré, mais, heureusement, l’argument médiocre, sinon sentimental, se mâtine d’humour très britannique, cf. la scène assez succulente, au morgue attendant en train de ripailler, littéralement au pied d’un trépassé, pâté au lieu de viande froide (dead meat exquise en VO), ouf !


Mieux, il miroite la relation père-progéniture, à base d’imposture, de fausse villégiature, fait payer par procuration le policier trop confiant, incognito de banquier, olé, sa mimi Meg, juvénile Vanessa Howard, fissa transfusée, hypnotisée, par le couple en clair-obscur. Certes, tout ceci, visiblement désargenté, je pense à l’écarlate canapé du cottage, illico recyclé en accessoire d’auberge, ressemble un brin à un sous-item de la Hammer, à un duplicata minoré de la déjà moins riche Amicus, la Tigon s’y colle, société la même année responsable du supérieur et majeur Le Grand Inquisiteur (Michael Reeves, 1968), à un ersatz fadasse, similairement in fine enflammé, de La Femme reptile (John Gilling, 1966), à un quickie en couleurs, castration incluse, à un téléfilm de luxe à propos de lépidoptères funéraires, salut au Silence des agneaux (Jonathan Demme, 1991). Cependant, on le suit sans ennui, avec le sourire, surtout séduit par une scène en particulier. Après avoir nourri son aigle espiègle, maltraité, observez les cicatrices au visage du serviteur tourmenteur, le scientifique oblique, accessoirement spécialiste assassin, s’en va visiter sa dangereuse protégée, au creux de sa cave vaginale, cachée derrière une porte colorée, bientôt immortalisée par les acrobaties d’orgie de la chère Marilyn Chambers (Derrière la porte verte, Artie & Jim Mitchell, 1972), ensuite vampirique, vampirisée, héroïne en nage de Rage (David Cronenberg, 1977). Le voici vêtu d’un masque en métal, d’un fouet fatal, face au hors-champ à l’intérieur du plan, à la monstruosité rugissant au-delà de l’écran, seulement sur la bande-son. Instant éloquent, voire sadien, qui réactive les puissances sonores du ciné, qui fait l’oreille frissonner, qui annonce les « spécimens » acoustiques, saphiques, du compatriote Peter Strickland (The Duke of Burgundy, 2014).


Mélange de zoologie et de psychologie, de fantastique et de drolatique, de Waterloo et d’imago, l’imparfait Le vampire a soif s’avère, en définitive, disons une chrysalide quasi caduque, un divertissement d’un autre temps, au charme d’antan, à la modestie bon enfant. Ses écailles rappellent celles de la dear Joanna Cassidy dans Blade Runner (Ridley Scott, 1982), sa coda d’incrédulité se moque gentiment de Scotland Yard. Si le fondateur La Fiancée de Frankenstein (James Whale, 1935) s’en fiche, si Terence Fisher, patronyme en clin d’œil de la first victime invisible, peut dormir tranquille, reposer en paix, contrairement au comte des Carpates, autrefois par ses soins ressuscité, magnifié, on conseillera au cinéphile curieux cette curiosité-là, familier ou pas de fameux amateurs de bestioles alors littéraires, nommés William S. Burroughs, exterminateur créateur du Festin nu, beau bestiaire de sa traduction par David Cronenberg en 1991, ou Vladimir Nabokov, le pervers papa de Lolita, satire de l’Amérique des sixties par le sardonique Stanley Kubrick en 1962, autres portraitistes, d’une autre trempe, de femmes fréquentables ou de « nymphettes » suspectes, boucle bouclée avec l’incipit du texte que vous lisez, allez. 


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