Le Médecin imaginaire
Un métrage, une image : Molière (1978)
Pendant l’épilogue, la troupe en
groupe piétine, à l’image du film, comme placée sur un escalator au sens inversé, prière de ne point pouffer, essai très
raté de pathos sur du Purcell, cinq ans avant l’emploi surprenant et inspirant
de Pialat (À nos amours, 1983), cinéaste mélomane qui accompagne sa sirène
Sandrine de la valeureuse version de Klaus Nomi, oh oui. Blanchi et rougi, en
sursis, à l’agonie, Caubère ressemble un brin au Joker, mais ce chemin de croix
laïc, merci aux religieux hypocrites, idem
tragi-comique, ne se soucie de psychologiser une sociétale insanité, davantage
de décrire une France déjà fracturée, puisque provinciale et royale, de famine
et de fête, « d’errance » et d’arrogance. La fifille d’Alexandre Mnouchkine,
lui-même de Lelouch à plusieurs reprises le producteur, se fait ici renvoyer
l’ascenseur, bénéficie du fric des Films 13, de celui aussi d’Antenne 2 et de
la RAI. Linéaire et scolaire, son (trop) long Molière jamais ne
déraille, toujours détaille, manque constamment de rythme, dès le premier plan,
panoramique, surcadrage, profondeur de champ, « mauvais jour » de
toux en effet funeste, peste. Sorti ensuite, Don Giovanni (Losey, 1979)
magnifiera la dimension mortifère et bien sûr musicale, Mozart au lieu de
Lully, du dramaturge à maîtresses multiples, saltimbanque insatisfait sur la
route, en déroute, homme de cour incapable d’être courtisan, de s’abstenir de
satiriser les mœurs et les maux du temps, passé, présent. Madame Ariane
différencie en surface la mise en scène de théâtre et celle de ciné, revendique
un item documenté, « métaphore »
en renfort, taquine Marguerite (Duras), se préoccupe de « confiscation
culturelle », ciel. Adepte adulte du « cinéma populaire »,
cinéphile juvénile éduquée aux classiques US en séance du jeudi, elle aspirait
à « l‘épique », au « poétique », voulait donner envie de « se
régaler ». Hélas, le pudding
européen se déploie parmi une impasse, en dépit de récompenses de circonstance,
un César à Bernard (Zitzermann), DP pour Perec & Queysanne (Un
homme qui dort, 1974), Swaim (La Balance, 1984), de Broca
(Chouans !,
1988) ou Chabrol (Betty, 1992), un second au décorateur Guy-Claude François (Henry
&
June,
Kaufman, 1990, Le Pacte des loups, Gans, 2001), oui-da. Identifié
par le générique final en propriété partagée, portée sur la parité, communauté
du Théâtre du Soleil, pas de la cruauté, dommage, donc délocalisée, soulignée, Molière
s’apparente en réalité à un happening
(dé)programmé, surplombé, vaine voix off
à virer, cf. la séquence éclairante du carnaval interdit, accompli, un opus doux-amer, retardataire, une
biographie artificielle et superficielle, où le sang ne sent, la boue s’absout,
le cheval dévoré ne vaut l’Allemagne de Bergman (L’Œuf du serpent, 1977).
De la farce au faste, du rejeté au protégé, du spectacle de rue au spectacle
reconnu, le mouvement clivant du métrage de son âge, passant d’une décennie à
la suivante, miroite ainsi une modification du modèle cinématographique, un
changement de régime économique. Ni La Prise de pouvoir par Louis XIV
(Rossellini, 1966), ni La Commune (Paris, 1871) de
Watkins (2000), le diptyque anecdotique et statique anticipe Le
Roi danse (Corbiau, 2000), ne (re)présente rien d’essentiel, d’existentiel,
quant à la création, à la collaboration. La directrice monta Le
Tartuffe en 1995, France 4 en diffuse un ce soir, adieu à Bouquet ;
accessit au casting, CQFD.
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